Depuis ses premiers ébats dans la chanson Française, la fée émeraude alias la singulière Daphné a bien changé. Elle a gagné en maturité ce qui lui va bien au teint. Les comptines sont devenues de véritables chansons à la richesse multichrome et à la production impeccable (« Musicamor »). En revanche, elle a conservé son charme diabolique presque métaphysique (« Big daddy boy »). Sa mélancolie diffuse, impalpable, s’infiltre partout et nous ronge les sens (« Penny Peggy », « Par la fenêtre »). Toujours insoumise aux formes, l’écriture de Daphné a pris de l’ampleur et fait mouche par sa grâce naturelle (« Le petit navire ») et ses merveilleuses déambulations lunaires (« Déclaration à celui »). Tout en délicatesse, elle hume l’air du temps et le transforme, par son imaginaire précieux, en un univers chagrin à l’intimité effarante. Tout juste si on ose y pénétrer, car entrer dans « Carmin », c’est toujours avec un peu de réticence, avec un nœud à l’estomac, avec la peur de briser ces porcelaines uniques (« Mourir d’un œil », « L’homme piano »). Mais une fois la porte franchie, tout est oublié, et quelques larmes nous viennent. Touché par « Carmin », on tombe amoureux d’un disque, d’un objet que l’on garde bien caché sous son traversin. |