Il aura fallu attendre la fin de l'année 2009 pour se procurer ce magnifique objet. Big Star était le plus merveilleux groupe de losers de l'histoire du rock. Ils venaient de Memphis, la ville où le rock était né : Elvis, Johnny Cash, Sam Phillips, les studios SUN. Mais ces mecs là aimaient aussi beaucoup la pop anglaise. Dans les années 60, les idoles britanniques avaient pris l'ascendant sur les inventeurs du genre, et les kids américains ne juraient que par les Beatles, les Who ou les Rolling Stones. Il y avait quand même les Byrds et les Beach Boys en Californie, ou encore Dylan mais c'étaient les exceptions qui confirment la règle. Au début des années 70, Big Star se forme avec cette envie de devenir les nouveaux Beatles. Alex Chilton (chant/guitare) avait déjà auparavant eu un succès adolescent à la fin des années 60 avec The Box Tops. Le titre "The Letter" est sur la compilation Nuggets. Entre 71 et 74, ils sortent 3 albums superbes qui ne se vendent pas. Dans les années 70, le son est plus lourd que dans les années 60, et eux ne dérogent pas à la règle, en tout cas pour les 2 premiers albums. C'est plus électrique que les Beatles, la pop gagne en puissance, d'où le style "power pop" défini pour qualifier ce type de musique. Par certains aspects le son de guitare rappelle un peu celui des champions du glam rock en Angleterre à la même époque, celui des Trex ou Mick Ronson (le guitariste de Bowie sur tous les classiques 1ère époque : Aladin Sane, Hunky Dory, Ziggy Stardust,...). Le 3ème album est différent, plus sombre, dans la lignée des quelques ballades déchirantes qu'on trouvait sur les 2 premiers. Voilà pour le rappel, car il n'a pas fallu attendre ce coffret pour découvrir Big Star. Ca fait des années que ce groupe est vénéré un peu partout. L'influence qu'il a pu avoir est énorme. Une grande partie de la scène pop-rock américaine vient de là, ce qui n'est pas rien. Et cette influence s'est aussi faite sentir de l'autre côté de l'Atlantique. Le coffret retrace ce parcours. Il propose surtout un nombre important de titres inédits, de démos ou de versions alternatives, et il n'y a rien à jeter là-dedans. Un constat s'impose. Ces interprétations sont très souvent d'une tristesse et d'une beauté incroyables (les 2 vont souvent de paire). Sur une bonne moitié du second album et la quasi totalité du 3ème (le 4ème, live, est plus anecdotique), le côté rock semble effacé, éteint, pour laisser la place à cette lumière crépusculaire. Le choc est physique. Il m'est arrivé de me sentir écrasé par tant de majesté, écartelé entre 2 émotions contraires : le sentiment de la beauté, qui élève, et cette mélancolie qui peut donner envie de pleurer. Le premier l'emporte toujours. Combien de fois ai-je écouté "You And Your Sister", "Holocaust" ou "Nightime", je ne saurais le dire. Et je ne cite que ces titres parce que ce sont ceux que j'ai retenus. Dans le genre, ça rappelle beaucoup ce que faisait Elliot Smith. Ce dernier reprenait d'ailleurs souvent Big Star. Beaucoup ne comprennent pas qu'on puisse trouver de la joie à écouter des musiques tristes. Au contraire, je pense que cette joie est le signe que les aspects sombres de la vie peuvent être transcendés. C'est comme une promesse, une espérance. L'expression de la douleur génère la beauté, voie d'accès vers la foi. Et oui : tout art est sacré! |
