Le nom de cette collaboration Kort résulte de la fusion des prénoms des 2 protagonistes : Kurt (Wagner) et Cortney (Tidwell). Le premier est l'âme de Lambchop, un des groupes américains les plus intéressants qu'il m'ait été donné d'écouter cette décennie. "Is A Woman" est un chef d'oeuvre absolu, un album crépusculaire vers lequel on revient sans cesse. C'est le genre de disque qu'on pourrait prendre avec soi sur une île déserte. Je ne connaissais pas Cortney Tidwell. D'après les notes de "Korn" elle fait partie d'une dynastie de musiciens qui a marqué l'histoire musicale de Nashville. Nashville est le sujet de cet album. La ville est la capitale de la country mais le son de Nashville a perdu son âme depuis de nombreuses années. On y sort souvent des disques formatés sans intérêt. Quand on écoute ça, on imagine des cowboys criant "Yi Youuu" dans des concours de rodéo, le stetson à la main, les éperons saignant le flanc d'un taureau, devant des parterres enthoutiastes de rednecks ahuris. Ca tient à l'orchestration sirupeuse des chansons, calculée pour des raisons bassement commerciales. En France, on connaît surtout ce type de country. Il suffit d'écouter les horreurs diffusées par un George Lang la nuit sur nos ondes. C'est un malentendu. Dans le genre country, il y a de vrais merveilles. Dans les années 70, quelques chanteurs countru rebelles (Johnny Cash, Waylon Jennings, Kris Kristofferson) élirent Austin comme capitale du mouvement outlaw en réaction à l'hégémonie de Nashville. Tout un symbole. Mais dans la ville même il y a des résistants. "Invariable Heartache" est une tentative de 2 de ces résistants de faire entendre l'esprit original de cette musique qu'ils aiment par dessus tout. C'est une musique qui est née à Nashville. Au-delà de la déclaration d'amour pour un style musical, il y a une déclaration d'amour à la ville qui a fait émerger ces chansons. Les 12 titres présents sur "Invariable Heartache" sont tous des reprises de chansons sorties sur un des labels locaux, Chart Records dans les années 60-70. C'est le grand-père de Cortney qui gérait l'affaire. Il n'y a qu'un seul titre qui soit sorti sur un autre label (ABC Dunhill). Il a été enregistré par la mère de Cortney en 1975, on reste en famille. Le résultat est très convaincant. Cortney tidwell et Kurt Wagner se partagent le chant. On n'est pas loin de l'esprit des duos Lee Hazlewood/Nancy Sinatra. Cortney n'a pas à rougir de la comparaison avec les stars du genre, Dolly Parton ou Loretta Lynn. Elle sait émouvoir sur ses interprétations de vignettes romanesques. Quant à Kurt Wagner, il pourrait chanter sur la façon dont il nettoie ses chiottes qu'on en chialerait quand même de bonheur. C'est un des meilleurs chanteurs de l'époque. L'orchestration est mesurée : le travail de William Tyler à la guitare est remarquable. Il opère en serviteur dévoué plutôt qu'en soliste surdoué. Il se déchaîne sur "Picking Wild Mountain Berries", on croirait entendre Sterling Morrison sur les titres les plus speedés du Velvet! La pedal steel ou le violon rappellent qu'ils s'agit de country, mais là encore, ils se plient à la chanson. Dans une approche plus formatée, on n'entendrait qu'eux. L'album a une patine classique. C'est bon, très bon! "Invariable Heartache" va nous tenir chaud cet hiver. |
