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Dominique A (03/2004)
 

par Pierre Derensy (23/03/04)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Dominique A sort ces jours ci un album concept avec quelques auteurs de la maison d'édition Verticales qui eux, sortent un livre concept. C'est à dire que le chanteur a proposé aux écrivains de broder des histoires sur les titres de ses nouvelles chansons. Mais, sincèrement, à quoi cela sert ? en effet en écoutant ce nouvel opus on se rend compte que le saltimbanque musical est avant tout une plume. De plus, contrairement au titre, rien ne sera plus comme avant, car pour une fois, Dominique Ané se met en danger avec ses compositions. Plus fouillées, travaillées, les chansons bénéficient de l'apport d'un producteur de l'envergure de Jean Lamoot, ce qui donne une nouvelle façon 'appréhender l'univers du chanteur. Ouverts, aériens, les 15 titres vont et viennent dans la mélancolie « Tout sera comme Avant », « Elle Parle à Des Gens qui Ne Sont pas Là », mais aussi s'installe dans un registre d'histoire filmée « Bowling » ou de petite chanson acide « La Retraite à Miami ». De magnifiques chansons comme « Le Fil d'un Enfant », toutes en pudeur enfin dévoilée, catapulte « le père A » bien au dessus de la barrière de la nouvelle chanson française. Il y a du Nougaro, du Ferré chez ce garçon,
encore fallait il qu'il nous le montre d'une façon plus audacieuse. C'est chose faite avec ce nouvel album, qui comporte un deuxième CD dans sa version limitée, galette qu'il est tout aussi important d'écouter.

'Tout sera comme Avant' n'est il pas un album d'exilé qui se souvient de ses origines ?

Dominique A : « Hou là ! C'est une interprétation qui me change de ce que j'entends toute la journée. Je sais pas. Si c'était le cas ce ne serait pas autobiographique car vivant à Bruxelles je ne peux pas prétendre vivre au bout du monde. bien que (rire). Il y a pas mal de thèmes du retour dans le disque, de la place. c'est assez géographique comme album. »

D'ailleurs au sujet de l'album, il me semble menacé de mélancolie pour parfois décoller et prendre des tournures orageuses comme 'pendant que les enfants jouent' ?

Dominique A : « J'aime bien l'électricité alors que je suis astratéphobe. C'est bizarre qu'un mec qui a la phobie des orages puisse jouer avec le courant électrique. C'est une attirance à travers sa phobie. Je voulais que le disque soit escarpé, qu'il ait un peu de relief pour contrebalancer le fait que je suis un gars de plaine. En musique j'ai tendance à aimer quand c'est plat, il me faut lutter contre cet état de fait. Quand certaines chansons s'y prêtent je ne me défile jamais car quelques torsions sont toujours les bienvenues sur un disque. Je sais que je suis meilleur dans le registre de chanson calme et diluée mais tout ce qui est énergique je le prends par envie. »

C'est un album qui s'affirme et ne se cache plus comme cela avait pu être le cas dans ton passé ?

Dominique A : « Je ne réfléchis pas trop à tout ça quand j'écris des chansons, j'essaye juste d'être clair. Peut être est ce du au fait que je raconte les choses plus clairement. Je me considère franchement dans un rôle d'interprète narrateur. Il n'y a pas chez moi de tentation autobiographique, ou alors quand il y en a ce n'est vraiment pas assumé (rire). Ce que j'aime aussi c'est de coder mes chansons, 'Le Départ des Ombres' peut paraître ésotérique mais au moment de l'écriture j'essaye juste de suivre un truc dans ma tête, ce truc je l'oublie après, je ne me souviens plus quel parti pris je voulais assumer mais le plus important c'est que c'était clair au moment où je l'ai fait. Après quand je chante la chanson je n'ai pas de soucis de cohérence.»

La musique reste intuitive pour toi ?

Dominique A : « J'avance effectivement à tâtons vu que je n'écris pas la musique. Quand je fais un accord, il n'y en a pas un autre qui se dessine, ce sont des hasards qui me font arrêter à un moment donné quand mes doigts courent sur le clavier. Il faut que je capte rapidement un bon truc pour m'en
servir de base.

La collaboration avec Jean Lamoot (Noir Désir, Bashung, Zebda...) a t'elle ouvert d'autres horizons pour toi ?

Dominique A : « Ce n'est pas seulement Jean, c'est aussi Arnaud Devos, Jean-Louis Solans, Simon Edwards et Martyn Barker. Ils fonctionnent vraiment comme un groupe qui a un univers musical cohérent et marqué. Leur présence a permis à mes chansons de sonner différemment. Il y a plein d'instruments asiatiques par exemple. Collaborer avec eux m'a permis de m'ouvrir sur plein d'autres choses. En même temps cela ferme une porte d'une ambiance musicale, car tu te dois en tant qu'artiste d'aller faire le tour du propriétaire avec d'autres personnes pour un futur projet.»

Il y a beaucoup de thèmes dans tes dernières chansons qui approchent la paternité ?

Dominique A : « La paternité est récurrente chez moi car cela me passionne. C'est plus lié au thème de l'enfance qu'au thème de la paternité, au rapport de l'enfant face à son père. Effectivement je suis papa mais je serais le dernier à vouloir injecter mes craintes dans une chanson sur ce sujet. 'Le Fils d'un Enfant' est une sorte de vision cauchemardesque de la paternité mais c'est une façon détournée de parler de l'enfance et du mal que l'on fait en tant qu'adulte à cette période. Cela ne parle pas seulement du fait d'être père aujourd'hui pour Dominique A. »

Quant à tes histoires d'amour elles sont toujours très pudiques ?

Dominique A : « J'ai pas l'impression de tourner autour du pot, mais les choses dites crûment amènent une certaine démagogie dont je me méfie comme la peste. »

Donc impossible de te mettre l'étiquette de « Chanteur Engagé » ?

Dominique A : « C'est pas mon truc. Engagé à quoi ? on s'engage à rien ! dans ce genre de chose on n'engage que soi même. »

D'où te vient l'inspiration pour une chanson comme 'L'Inuktitut' ?

Dominique A : « Tout simplement de l'envie de faire un peu le con ! changer de registre et avoir la volonté d'être plus léger en chantant des mots que l'on est sur que personne d'autres ne chante (rire) »

L'album ressemble au visuel. C'est à dire que plutôt que d'emprunter l'escalier qui mène en haut de la colline, tu prends les chemins de traverse ?

Dominique A : « Autant il y a des choses que j'aime bien affronter frontalement, autant j'essaye de faire toujours quelque chose qui tourne. Les chansons pour moi ne doivent pas être figées. Il faut leur faire emprunter des courbes, je ne suis pas partisan des lignes droites. On s'attache d'avantage à un morceau quand il y a des choses un peu biaisées. »

Tu sors en deuxième CD sur l'album, « Tout n'est plus comme avant » qui est une cartographie musicale de ce que tu fais, mais aussi une éjaculation littéraire ?

Dominique A : « Comme tu y vas ! Le premier titre est un cut-up des nouvelles que j'ai reçu, c'était une façon de refermer la boucle autour du projet avec Verticale et les auteurs qui se sont prêtés au jeu. Ejaculation non car cela m'a demandé du temps (rire) c'est pas sorti aussi facilement. Les instrumentaux sur ce second opus ce sont des trucs isolés que Jean a mixé. Cela sonnait super bien et méritait de figurer sur un disque mais en dehors. Il a donné des versions alternatives de ce qu'il souhaitait et on les a sorti avec l'album mais sur un autre CD.

Peux tu me parler de la maison d'édition Verticale qui t'a accompagné sur le projet de marier les mots et la musique ?

Dominique A : « C'est une idée que j'avais lancée comme ça et que Verticale a adoptée tout de suite. Le projet a pris forme très rapidement. A partir du moment où les auteurs que je connaissais, soit personnellement, soit par des livres que j'avais lu, ont répondu favorablement au projet ça été lancé pour qu'aujourd'hui on soit tous content du résultat. »

Tu te vois sur scène faire une sorte de Bal Littéraire ?

Dominique A : « Ce que j'ai déjà fait et ce que je continuerais c'est de faire quelques lectures mises en musique mais pas plus. Mon centre d'intérêt premier c'est de chanter.»

Est ce qu'à ton avis, comme le petite chien au phonographe dont tu chantes le cardiogramme, la chanson française est malade ?

Dominique A : « La chanson française n'est pas malade, c'est l'industrie du disque qui l'est. L'industrie est sinon moribonde, tout du moins a pris un sérieux coup dans l'aile qui a fait n'importe quoi du coup. Maintenant je ne pense pas que cela menace la création mais plutôt la diffusion. Ce qui est malade c'est l'autonomie et la liberté des artistes derrière tout ça. Mais bon qui veut faire quelque chose le fait. Bien sur que c'est mieux quand on a les moyens mais quand on en a pas, quand on veut vraiment faire quelque chose on le fait quand même. »

Tu diffuses sur internet tes coups de cours artistiques, tes coups de gueules aussi, pourquoi faire partager cela avec « l'inconnu du web » ?

Dominique A : « C'est pour orienter les gens qui m'aiment bien sur des choses que moi-même je trouve pas mal. C'est partager des choses via un vecteur qui est aujourd'hui, presque plus pris en considération que la presse écrite. Quand je dis deux, trois trucs sur internet j'ai des réactions alors que je pourrais donner une interview de 18 pages pour un canard sans avoir le moindre écho. Tout le monde s'en contrefout. J'adore pourtant la presse écrite mais le net c'est quand même le meilleur moyen de diffuser des idées, des goûts. Donc je l'utilise.»

Avec l'interactivité qui en découle ?

Dominique A : « Oui mais je m'en méfie parce que ce n'est pas forcément au bénéfice de la qualité de ce qui s'y dit. Sur internet, et c'est ses limites, cela reste un truc entre l'écrit et l'oral. Il y a un côté imprécis, sur le modèle épistolaire. Cela ne remplace pas le rapport sacré qu'il y a, ou plutôt qu'il devrait y avoir à l'écrit ! Je fais ça comme des petites bouteilles lancées à la mer car il n'y a pas d'obligation littéraire quand j'écris sur internet. »

Bizarrement, tu sors tes albums, quasiment toujours en même temps que l'autre grand de ma chanson française c'est bien sur Miossec. J'aurais aimé pour terminer que tu me dises ce que tu aimerais avoir de lui ?

Dominique A : « Son côté direct. »

[Ce que par contre tu n'aimerais pas avoir du tout de sa personne ?


Dominique A : « Sa réputation. »


Pierre Derensy.