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Etienne Daho
 

par Pierre Derensy (27/11/03)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Etienne Daho a tous les charmes. Il est doué pour la musique, il est beau gosse, il est intelligent. Il se trouve toujours au bon endroit au bon moment, en parfaite harmonie avec son époque. Cet éternel jeune homme échange des points de vue avec d’anciennes gloires (Brigitte Fontaine, Dani,…) qu’il remet avec brio sur le devant de la scène où de jeunes artistes hypes (Michel Gondry, William Orbit, Ginger All) n’attendent que lui pour éclore. Toujours à l’écoute de l’air du temps, il revient cette année avec un album au teint nouveau, au rythme chatoyant et à l’ambiguïté maligne (Interview de Pierre Derensy).

Alors Etienne, après une résérection faut il s’attaquer à une ‘Réévolution’ ?

Etienne Daho : « Il faut toujours réserecter avant de réévolutioner, c’est la règle d’or mon cher monsieur ! » (rire)

C’est une manière de se réévaluer aussi ?

Etienne Daho : « Ha tient c’est intéressant. Je n’y avais pas encore pensé. Je crois que c’est tout simplement une manière de recommencer. »

C’est un carrefour cet album ?

Etienne Daho : « Oui j’ai la sensation que c’est LE bon moment. C’est comme si j’avais posé certaines choses, je les avais rangé. Après avoir fermé la porte à double tour pour me retrouver cent fois plus léger, je peux recommencer avec la même gnack, la même envie, la même légèreté surtout. »

C’est quelque chose qui revient souvent chez toi cette ‘Légèreté’ ?

Etienne Daho : «Je la trouve importante. Cela n’a pas toujours été le cas (rire). C’est une sensation que j’aime bien, c’est sûrement une réponse à mon âme tourmentée ».

Cet album marque aussi un tournant, avec notamment, si je ne me trompe pas, deux auteurs qui viennent te prêter main forte au niveau d’une chanson ?

Etienne Daho : « Effectivement. C’est la première fois que je chante une chanson de quelqu’un d’autre sur l’un de mes albums. Jacques Duvall et Frédéric Momont m’ont envoyé ce texte et cette musique qui s’intitulait : ‘Le Jour et la Nuit’. C’est une chanson que j’ai tout de suite beaucoup aimé, je tenais absolument à la chanter car même si eux n’en étaient pas conscients, c’était un joli cadeau qu’ils me faisaient. »

Musicalement, après avoir posé ta voix en avant sur ton dernier album ‘Corps et armes’, tu n’as plus peur de mettre de la musique bruyante et moins pop ?

Etienne Daho : «Au moment du mixage, je trouvais qu’il n’y avait pas assez de voix. Je me suis battu (amicalement) avec le mixeur car il était horrifié. Il n’arrêtait pas de me dire que le niveau de voix était énorme ! Je me souvient de ses « On entend que ça, on n’entend plus rien d’autre » ».

C’est paradoxale avec ton parcours de chanteur ?

Etienne Daho : « Oui pendant des années je luttais pour le contraire, afin que ma voix soit en retrait. L’ influence de la pop anglaise sans doute… où la voix est très dedans. Pour moi, la voix devait faire partie d’un ensemble. Jusqu’à il y a peu de temps je trouvais que la voix mise en avant faisait plus variété que pop. »

D’ailleurs l’album a un côté oldies dans sa manière d’être enregistré ?

Etienne Daho : « On l’a enregistré à Gang avec des bécanes vintages. A l’ancienne. On a tout enregistré en une semaine. Si tu écoutes bien tu verras que l’album donne quelque chose de très chaud. »

Hommage aussi à l’ancienne génération cinématographique avec Alfred Hitchcock et son ‘Fenêtre sur cour’ que tu traduis par un ‘Vis à Vis’ voyeur ?

Etienne Daho : « La première chose à propos de cette chanson c’est que nous sommes dans une société de concierge et que tout le monde se regarde, s’épie. Je trouvais que c’était assez comique de prendre James Stewart avec son plâtre et son télé-objectif pour décrire cet état de fait. Ma deuxième idée c’était de raconter l’histoire de quelqu’un qui regarde une personne qu’il trouve belle et que cette femme ignore ce désir qu’elle fait naître. Car la plus belle des beautés est la beauté qui s’ignore. »

C’est aussi une manière de parler de ces persiennes entrouverte sur le non-dit qui colle à ton personnage ? Par exemple ‘Le Jour et la Nuit’ est d’une ambiguïté habile !

Etienne Daho : « Pourtant j’en dis beaucoup. C’est du faux non-dit. »

Cette Réévolution est aussi une révolution sociale ?

Etienne Daho : « J’ai fais peu de chansons collectives mais en même temps quand je parle de moi, je me sens tellement peu différent du reste du monde, que bien souvent quand les gens me disent « Cette chanson a changé ma vie » je ne peux leur dire que « normal, car de toute façon on est pareil. On a les mêmes joies, les mêmes espoirs ». Je ne suis qu’un élu qui traduit de sa plume ce qu’un certain type de gens pensent. Mes chansons, à mon sens, ne parlent que de liberté.»

Es tu croyant Etienne ?

Etienne Daho : « Heu, question difficile… j’ai la sensation de ne pas être seul. Je ne suis pas baptisé, je n’ai pas d’objet de culte… »

Je te demandais ça, car il y a de nombreux thèmes bibliques dans cet album ? (la souffrance, la culpabilité, âme…)

Etienne Daho : « Effectivement. C’est très présent chez moi. J’aime exprimer en chanson ce que je dégage de moi.

Cet émoi, tu te l’offres en montant sur scène également ?

Etienne Daho : « Oh j’adore la scène ! »

Ca a toujours été le cas ?

Etienne Daho : « Non. Au début c’était plus l’esprit de fête qui prévoyait : Faire le con dans les hôtels, se la jouer romanichelle. Dormir 14 secondes et rechanter le soir. J’ai adoré ces années 80 où j’en ai archi-profité. Ensuite j’ai découvert le plaisir de chanter. Et surtout de découvrir que je savais le faire.»

Dans chaque album que tu fais, tu invites de prestigieux artistes, ici c’est Ginger Ale et Charlotte Gainsbourg pour un exercice d’allitération sur ‘If’. Hommage au vieux Serge ?

Etienne Daho : « Pas du tout. Pour moi ça été inspiré de la manière d’écrire de Boby Lapointe ! (rire) C’était pas du tout, du tout du Gainsbourg. D’ailleurs la version de Ginger Ale n’est pas gainsbourienne. Comme c’est un système (l’allitération) que Serge a utilisé avec génie sans compter la présence de Charlotte qui a une griffe vocale du père gainsbourg ça ramène à se dire que c’est un hommage mais non. En plus, je ne devais pas faire un duo sur cet album, je sortais juste du ‘Boomerang’ avec Dani et j e n’avais pas envie d’abuser du style. »

J’aimerais revenir sur ton meilleur album à mes yeux : ‘Eden’ car il y a tout ce qu’on voudrait emmener sur une île déserte dans cet album. D’ailleurs, c’est le seul album où tu te montres sous la lumière ?

Etienne Daho : « Effectivement j’en avait vraiment envie ! rien que pour la pochette, je voulais une photo qu’on croirait prise sur la plage par un pote. J’aimais bien le coté instantané. Ce qui est paradoxal vu le temps que j’ai passé à faire ce disque ! une vraie folie irréalisable ! J’ai voulu marier les immariables : les kidnapper pour faire un album électronique et lyrique. J’avais des envies de mélanger plein de choses tout en gardant une certaines cohérence.»

Est ce que son relatif échec t’a fait mal ?

Etienne Daho : « Mon envie de le défendre s’est décuplé d’autant plus. Comme le bébé qu’on a jamais aimé. Le vilain petit canard. Ceci dit c’est un album dont on me parle maintenant. Il a été dans la tourmente quand il est sortie, il faut se rappeler qu’il est venu après ‘Paris Ailleurs’ et ‘Mon Manège à Moi’, les gens s’attendaient « à la suite de ».

A cette époque, tu as d’ailleurs quitté la France et coupé les ponts avec le système ?

Etienne Daho : «En 93 j’avais peur de m’étioler. J’en ai eu marre. Entre 81 et 93 je ne me suis pas arrêté un seul instant, tout d’un coup j’en ai eu ma claque. J’étais dans un système qui commençait vraiment à me faire chier. Mon planning était prêt deux ans à l’avance, en plus il était préparé par d’autres. Alors Sans prévenir j’ai pris un appart à Londres et je suis parti tout seul. Sans béquille, célibataire. Après on me l’a fait payé par une rumeur idiote.»

Seulement là, bouffé d’oxygène ! tu apprécies non seulement la vie à Londres mais tu sors un 6 titres ‘Réserection’ avec Saint-Etienne pour faire la nique à ce système ?

Etienne Daho : « Je savais pas trop si j’allais rechanté. J’étais déçu parce que je comprenais comment le système fonctionnait. Je n’avais plus mes rêves de petit garçon. J’étais désappointé. Pas de mon métier, mais du métier en général. Je voyais qu’on entrait dans une ère de marketing. En Angleterre j’ai rencontré Brian Eno, Dave Stewart et pleins d’autres gens. Il n’y avait pas ce cloisonnement qui est très présent en France : Le monde du Rap avec le monde du rap, le monde du rock avec le monde du rock… Ils m’ont vraiment aidé à m’en sortir. Du coup pour le montrer, j’ai eu l’idée de faire ce saint Etienne en martyre avec l’image de réserection et du bien bander (rire).»

Je trouve que tu fonctionnes beaucoup par doublon en ce qui concerne tes albums : St Etienne Daho et Eden, Corps et Armes et Réévolution ?

Etienne Daho : « ‘Pop Satory’ aussi colle bien avec ‘Eden’. Il y avait la même envie de faire quelque chose de fluide. »

Sinon, tu sembles porter chance ou être un grand visionnaire, car tous tes collaborateurs peu connus deviennent ou redeviennent, suite à ton contact de grandes stars de la musique ou du cinéma ?

Etienne Daho : « Je suis peut être un genre de grigri qui porte chance. »

Tu n’hésite pas non plus à te lancer dans des interprétations difficiles comme ce ‘Sur mon Coup’ qui est tirée d’une nouvelle de Jean Genet ?

Etienne Daho : « C’est la chanson la plus facile à interpréter de tout mon répertoire ! Contrairement à ce que l’on pourrait croire elle est très fluide à chanter. Mes propres chansons sont toujours composées en mineur et arrangées en majeur, une espèce de truc difficile à comprendre pour quelqu’un d’autre que moi (rire) Je le dis car tous les gens qui se sont collé à mes chansons s’en sont mordu les doigts. ‘Sur Mon Coup’ je l’ai aussi intégré à mon tour de chant pour transmettre cet auteur, c’est bien de renvoyer l’ascenseur aux gens qui vous ont poussé et construit. Prendre le clairon de ma petite renommé pour faire office de passeur.»

Ce n’est pas trop difficile finalement de devenir une icône « pop » intouchable ?

Etienne Daho : « C’est quelque chose qui me fait peur. Je vois l’attitude des gens, tout d’un coup, il n’y a pas si longtemps que ça, il y a un respect indéboulonnable qui s’est installé envers moi. Une sorte d’excitation quand je sors un projet, un truc touchant et confortable finalement. »

J’aimerais terminer par un petit coucou à Sarah Cracknell (chanteuse de Saint Etienne) qui est une fille formidable, à la formule littéraire exceptionnelle, qui , un jour qu’on lui demandait si être jolie aidait à faire de la musique, a répondu excédée « qu’elle avait effectivement un beau cul et était la meilleure tailleuse de pipe de toute l’Angleterre ». Qu’est ce que vous pourriez dire vous à quelqu’un qui vous gonfle de la même manière ?

Etienne Daho : « Je sais pas ! là comme ça… tu m’as pas (encore) assez gonflé … »