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Daniel Darc
 

par Pierre Derensy (31/05/04)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Daniel Darc a dépassé la quarantaine mais chante comme un adolescent. Daniel Darc a fait mille conneries mais vient de sortir un des meilleurs disques de cette année. Daniel Darc s’est fait un nom dans l’underground français mais c’est au grand jour qu’il entame une tournée. On ne peut souhaiter que du bien à un homme de la trempe de Daniel Darc car « Diabolique Dark » mérite le soutien de ses frères. Lui le croyant, le pieu, le maléfique Daniel. L’obscure objet de désir animal. Le looser, mystérieux et langoureux qui ferait tomber un pieu sur le cœur d’une impie pour la transformer en none lubrique, est dans l’obligation de trouver un public à la hauteur du bonheur (maléfique) qu’il suinte de son piédestal de star nauséeuse.

Avec ton « Crève Cœur » d’album, peux tu être fier de ton électrocardiogramme ?
Daniel Darc : « Je pense que oui. »

Tu as longtemps été absent du monde musical pour X raisons que nous évoquerons plus tard, mais quelles ont été les règles, la liturgie pour te voir reprendre le chemin des studios ?
Daniel Darc : « C’est plein de petites choses qui font que… depuis quelque temps, on m’avait proposé pas mal de projets qui n’étaient pas intéressants mais le truc fédérateur fut la chanson pour Dani. Je me suis retrouvé à écrire un texte sur une musique de Frédéric Lo. Ca c’est tellement bien passé que par la suite, en quelques jours, on a fini par faire une quinzaine de titres pour mon album personnel. »

Tous les deux vous êtes réunis pour le meilleur d’une partie de tennis entre champions où la balle est renvoyée éternellement dans le cour musical. Toi aux textes et au chant et lui aux compositions ?
Daniel Darc : « C’est Godard qui disait préférer le tennis au cinéma parce qu’au moins là il y avait quelqu’un qui pouvait lui renvoyer la balle. Avec Frédéric j’ai trouvé mon adversaire et complice de jeu. Jusqu’à maintenant j’ai toujours eu besoin de quelqu’un pour m’aider tout en essayant de garder une continuité dans ma façon de faire de la musique.»

Tes textes font ressurgir ton besoin d’être aimé pour « ta » forme de littérature qui dure généralement 3 minutes et des poussières ?
Daniel Darc : « Pour moi l’écriture est primordiale. C’est mon moteur essentiel. Mes textes n’ont jamais été aussi courts mais pourtant je les trouve considérablement plus fort qu’auparavant. J’aime bien ce côté épuré de la chose mais je me sens condamné à faire cet art mineur qu’est la chanson alors que j’aurais souhaité être écrivain depuis ma plus tendre enfance. »

Sur certains titres, on a le sentiment de l’expiation tant amoureuse que psychologique d’un personnage qui ne peut être que toi ?
Daniel Darc : « J’ai écrit cet album au moment d’une rupture avec la femme que j’ai le plus aimé de ma vie… de la femme que j’aime toujours le plus au monde d’ailleurs. Cet album est aussi venu suite à mon baptême religieux. Je suis d’origine juive mais j’ai souhaité devenir chrétien protestant. J’ai considérablement changé après cet acte fort. Je suis toujours un voyou mais je suis tout résumé par cette phrase « Paix à ton âme, en enfer et ne désespère pas ». J’ai fait du mal. Je dois vivre avec, pourtant j’ai foi en Dieu. »

Musicalement on a affaire à un vieux roublard qui n’aurait plus besoin de montrer tout un tas de trucs pour se faire voir mais qui irait à l’essentiel comme par exemple sur « Je me souviens, je me rappelle » qui est très direct et pourtant subtilement travaillé dans sa mélodie ?
Daniel Darc : « Avec Frédéric on a réalisé toutes les chansons dans son appartement sur un petit ordinateur de merde en se disant ‘ok on fait tout à deux’. On voulait aller à l’essentiel sans se perdre dans des conneries. Dehors les virtuoses ! La production avec des trucs partout, les gens que j’aime s’en foutent. Une chanson si elle est bonne doit vivre avec une guitare et la voix. »

« Jamais, Jamais » l’une des chansons de ton album, est d’une beauté langoureuse qui plombe l’amour crétin que chante tous ces farfadets de la variété française ?
Daniel Darc : « Je sais pas qui je fume vraiment… enfin j’ai une vague idée (rire) mais c’est vraiment ma seule façon de faire les choses. Je ne peux écrire qu’au premier degré. Je ne peux pas faire de l’humour ou raconter la vie d’un mec qui trouve sa maison bien rangée parce qu’il y a une femme qui habite chez lui. (rire) T’as vu j’ai cité personne hein ?»

Tes souffrances personnelles sont d’ailleurs en relation avec certains titres, Peux tu m’expliquer dans quelles circonstances fut enregistré « Psaume 23 » ?
Daniel Darc : « J’ai enregistré cette chanson alors que le lendemain je rentrais à l’hôpital pour décrocher de l’alcool. Après avoir vomi 40 litres de sang c’était peut être intéressant d’arrêter les dégâts. C’est pour ça, notamment, que ma voix est malhabile et mal enregistrée. Je me balançais d’un côté à l’autre en tapant du pied en même temps. D’ailleurs si tu mets le volume assez fort tu peux l’entendre. Tout le monde qui me connaissait croyait vraiment que j’allais crever. Alors je sais pas ce qui s’est passé…ou alors je savais trop bien car ce psaume est souvent lu aux enterrements. « En enterrement » j’ai beaucoup d’expérience. Entre mes amis qui sont morts du sida, ceux qui se sont flingués d’une balle dans la tête ou d’une pendaison et les derniers d’une overdose j’ai entendu ces paroles trop de fois. »

Tu as parcouru l’enfer de long en large et soudain on ressent chez toi, comme une envie d’aller voir ce qui se trame au paradis ?
Daniel Darc : « Quand je mourrais j’irai au paradis car j’aurais vécu toute ma vie un enfer. »

Ta voix ne correspond pas à quelqu’un qui a 45 ans. Elle n’est pas celle d’un mec qui a remisé (après avoir éclusé), une tonne de bouteilles à la cave ?
Daniel Darc : « En premier je crois que cela vient du fait que j e n’ai jamais fumé de ma vie. Et puis cela vient de l’émotion aussi de chanter mes textes. Je suis ému quand je chante car je ne triche pas. Je reste adolescent dans ces moments là et le rock est une musique d’ado.»

Rock comme la phrase de Johnny Cash « I killed this man in Reno just to watch him die » ?
Daniel Darc : “Y en a qui franchissent le pas, d’autres qui ne le font jamais. Pour moi c’est une phrase Dostoyevskienne. »

Ton malheur provoque une inspiration qui doit jaillir contrairement au bonheur qui reste pudique ?
Daniel Darc : « Je ne connais pas le bonheur. Jean Rochefort disait ‘Le bonheur je m’assois dessus’ et bien moi je m’assois à côté car j’ai peur de me faire mal. Je ne sais pas ce que c’est le bonheur, je ne sais pas ce que c’est le bonheur, je ne veux pas savoir ce que c’est le bonheur ! y a des moments, brefs et rares, où je suis content. Y a des moments où j’approche d’une fulgurance qui peut se rapprocher de ça. Je ne suis pas un mec heureux, je ne vis que pour être malheureux. Je ne peux écrire que lorsque je suis dans la tourmente. Ca tombe bien car je le suis presque perpétuellement.»

Certaines de tes chansons sont pourtant plus enjouées comme « Mes amis » ? avec ce petit riff de guitare qui semble nostalgique de quelque chose ?
Daniel Darc : « C’est le gros boulot de Frédéric de contrebalancer mon texte qui lorsque tu le lis sans musique te donne qu’une seule envie c’est de te mettre un jeton dans le crâne. »

Penses tu que ton côté libertaire t’a empêché de faire n’importe quoi ?
Daniel Darc : « Au fond oui. J’aime bien que tu emplois ce terme là… les gens essayent de me brancher sur mon anarchisme mais je préfère dire libertaire. Je suis libertaire car c’est la plus grande confiance que tu peux avoir en l’être humain. Je suis chrétien et libertaire et cela n’a aucune incompatibilité, bien au contraire.»

Le fait de ne jamais t’être compromis t’a tout d’abord détruit pour te reconstruire après la quarantaine ?
Daniel Darc : « J’ai fais ce qu’il fallait pour ne pas faire de boulettes dans ma carrière. Je n’ai pas honte de ce que j’ai fait, j’ai honte de ne pas avoir fait ! »

« Crève Cœur » et l’écho unanime du public ou de la critique te font ils regretter des choses sur ton parcours ?
Daniel Darc : « Il a peut être fallu ce temps là pour arriver à ce que je suis aujourd’hui. Mais en même temps je ne peux pas trancher dans le vif de ce sujet. Je suis rempli de doutes sur mon passé et ce qu’il a été bon ou pas de faire. »

Si je devais te trouver un père spirituel j’irais puiser dans le patrimoine français et je te mettrais au même rang qu’un Christophe ?
Daniel Darc : « Merci car pour moi en France, il y a 3 artistes : Christophe, Miossec et Bashung. Miossec dans son dernier album a fait une chanson qui s’appelle ‘Les gueules cassées’ ce qui est très proche de moi et de mes amis. On a des atomes crochus tous les deux. On s’était insulté par presse interposée mais le jour où l’on s’est vu on s’est roulé une pelle. »

Qu’est ce que le rock pour quelqu’un comme toi à l’heure actuelle ?
Daniel Darc : « Musicalement c’est de la merde. Quand je veux de la musique j’écoute John Coltrane ou Glenn Gould qui jouent Bach. Le rock c’est ma façon de marcher dans la rue c’est tout. »

T’aimes bien ce côté ruisseau, caniveau ?
Daniel Darc : « Tant que personne ne m’empêche de regarder les étoiles… »

Ta génération avait une fascination pour les États-Unis et sa musique, perdure t’elle encore aujourd’hui ?
Daniel Darc : « Le punk anglais j’en avais rien à foutre. Les mecs qui disaient en trois minutes que « putain ils trouveraient jamais de travail » je m’en branlais royalement. Pour moi c’était une bénédiction de ne pas trouver de boulot. Jamais j’aurais travaillé. Si il n’y avait pas eu la musique, j’aurais braqué des banques et je serais en taule pour un bout de temps. Ca me semblait plus noble de faire des casses que de me faire chier huit heures par jour, de fermer ma gueule, de pointer et de baisser la tête devant un patron. »

Est ce que la pire chose qu’on puisse souhaiter à quelqu’un c’est de naître ?
Daniel Darc : « Il y a 5 ans je t’aurais tout de suite répondu oui. Maintenant j’ai envie d’avoir un enfant et je me dis que ce n’est pas criminel. Je suis amoureux d’une femme, même si on n’est plus ensemble (et c’est dommage), à qui j’aimerais faire un enfant. »

En quoi croit Daniel Darc au jour d’aujourd’hui ?
Daniel Darc : « En Dieu, en l’homme et au diable. La seule différence c’est que je n’ai pas foi au diable.»

Pierre DERENSY.