Si « Mon cerveau est dans ma bouche» était difficile à assimiler (car c’est un disque à assimiler et non à consommer), il serait presque classé variété à coté de l’Enfer tiède. Le duo pousse toujours plus loin sa fuite dans les méandres sonores ("Il y a"), dans l’absence de construction évidente, pour nous ramener plus profondément encore dans les entrailles de notre monde vu par deux types aux opinions trempés dans l’acide et auteurs d’une réflexion sérieuse autant sur l’univers qui les entoure, que sur la pratique de la musique ("Cette page d'histoire"). Deux types que nous pourrions être si on ne manquait pas de courage et de volonté. Pas vraiment nihiliste, ni déconstructiviste, Programme est un peu de tout cela tout en demeurant volontaire à l’extérieur. Album sur rien, mais sur tout aussi, L’enfer est tiède est un disque brûlant qui finira incompris car capter les dissonances est complexe ("Le sort"), être happé par elle est un défi. Un défi jouissif car sur la platine se déverse alors toute notre rancœur par le prisme symbolique et le formalisme de Michniak et Bétous. Lorsque sortait le fondamental dernier disque de diabologum, les mélodies encore présentes se heurtaient à la substance du discours pour nous offrir un disque générationnel. Avec L’enfer tiède pas question de disque générationnel mais plutôt d’un disque ponctuel dans l’espace et le temps qui frappe et veut en découdre avec l’inacceptable vacuité intellectuelle de l’époque ("Une vie"). Si nous sommes obtus sur les constats évidents d’une société en pleine déconfiture, si nous préférons fermer les yeux sur l’insalubrité publique ("N'importe quoi pour n'importe qui" ou "C'est bien") et privée qui nous entoure ("ça c'est MA femme, ça c'est MES amis, ça c'est MON argent, ça c'est MON métier,..." sur "Il y a"), Programme a fait un choix pour éviter la tiédeur infernale de ceux qui se contentent d’un bien être faussé ("Le même son de cloche rameute le même troupeau" sur "Et la ville disparaît"). Espérons qu’ils ne sont pas les seuls à faire le même choix au risque de rendre un objet non identifiant, inutile par essence mais fondamental pour nous, encore plus désespérant qu’il ne l’est réellement. "Une vie à revenir sur ce qu'on s'est promis en souffrant d'être malhonnête". Je ne connais pas leur vie privé mais artistiquement, Programme ne doit pas souffrir. |
