Les Canadiens sont de retour en confédérés du rock, en opposants internes d’une politique à laquelle ils ne peuvent échapper. Toute l ‘ambiguïté de leur discours (ils en sont conscients) se situe ici, au point de ralliement de l’indépendance artistique et de la critique d’une doctrine dont on dépend obligatoirement pour se faire entendre. S’ils se servent en partie du système, l’inverse est tout aussi valable. Cette guerre ne sera gagnée qu'à l’usure. Avec leur post-rock orchestré, sorte de symphonie électrique aux milles lectures, Godspeed your black emperor ! ne se donne jamais facilement. C’est à l’auditeur de les découvrir patiemment par bribes successives, de laisser peu à peu son trouble disparaître pour pénétrer au mieux ce brouillard sonore rigoureux, quasi scientifique. Contrairement aux apparences, il n’y a pas sur « Yanqui U.X.O » de place pour l’improvisation, tout est prémédité et totalement maîtrisé. La présence de Steve Albini à la production ne fait que rajouter une couche à cette façon de laisser entendre un chaos totalement ordonné. De plus, en simplifiant leur musique, en détruisant dans l’œuf toutes tentatives de dérives trop expérimentales pour être touchantes, les Canadiens utilisent une méthode par jets successifs, donnant l’impression impalpable d’une structure qui, bien que complexe, va de soi. Et quand on croit qu’ils dirigent leurs morceaux dans un mur, dans une impasse insurmontable, ils s’en sortent par une acrobatie magistrale. Godspeed your black emperor ! est peut-être le collectif au succès décent, le plus intransigeant qui soit, « Yanqui U.X.O » est certainement l’album de rock le plus aérien et précieux de l’année, et nous sommes les auditeurs les plus béats du moment. |