Au début des années 2000, le rock redevenait à la mode avec les Strokes ou les White Stripes. Les premiers offraient une version pop du son new-yorkais. Les seconds revisitaient toute la tradition rock issue du blues. A la même époque, on découvrait les Warlocks et leur puissance de feu phénoménale. L'album "Phoenix" était une tuerie hédoniste parsemée de titres parfaits laissant promettre la lune à leurs auteurs. Ou plutôt devrait-on dire leur auteur car derrière cette machine il y a surtout un homme : Bobby Hecksher, sorte de croisement entre Elliot Smith pour les fêlures et Anton Newcombe pour le côté psychédélique un peu cramé. On retrouvait dans les Warlocks les fantasmes du LA psychédélique, ce mirage qui a toujours su résister aux assauts de la mode. Bien après la fin du flower power, le genre psychédélique est resté très vivace. Dans les années 80, à l'époque des Depeche Mode et Human League, le mouvement Paisley Underground (Rain Parade, Green On Red, Dream Syndicate) maintenait la flamme. Dans les années 90, des groupes comme Mazzy Star parvenaient à placer des titres au sommet des charts. Le genre est toujours vivant. Sur la côte ouest (pas seulement à LA), les Dandy Warhols, Brian Jonestown Massacre, Black Rebel Motorcycle Club se sont fait connaître au début des années 2000. Et ces dernières années on a encore découvert des pépites, entre Donkeys, Allah-Las, Fleet Foxes, Papecuts, et j'en passe. Les Warlocks restent cependant un peu à part car ils se sont engagés dans une voie radicale certes passionnante mais qui leur permet difficilement de survivre. Après "Phoenix", il y eut le magnifique album "Surgery". Chansons excellentes, son parfait, tout y était. Mais hélas l'ambiance était beaucoup plus sombre que sur "Phoenix". Ce disque d'une tristesse absolue fit fuir le public et le groupe fut débarqué par son label. Depuis ça ne s'est pas arrangé. Les albums "Heavy Deavy Skull lover" et "The mirror explodes" sont des chefs d'oeuvre. Les titres sont étirés, on n'entend quasiment plus la voix. On parcourt des paysages sonores impressionnants qui fait rentrer l'auditeur dans une sorte de transe mystique. Ce sont des oeuvres aussi fortes que le "Texas Jerusalem Crossroads" de Lift To Experience ou le "Loveless" de My Bloody Valentine. Ca peut aussi évoquer les déflagrations post rock de Mogwai ou Godspeed You My Black Emperor. Le tout baigne dans une ambiance toujours aussi sombre. Evidemment ce fut un échec en termes de ventes. Et voici que sort le petit dernier : "Skull Worship". Un album qui clôt une trilogie d'après Bobby Hecksher. Alors ce disque, un nouveau chef d'oeuvre? Après plusieurs écoutes, je reste sur une impression mitigée. On retrouve là-dedans tout ce qu'on aime chez les Warlocks : ces longues plages de guitare, tantôt apaisées, tantôt noyées dans les larsens. La voix de Bobby Hecksher se fond dans le tout. Les mélodies sont pas mal. Et en même temps, par rapport à ses prédecesseurs, l'album a un rythme globalement plus lent qui lui donne parfois un côté un peu soporifique. Au final, même si l'album est plutôt bon, il déçoit un peu car à aucun moment on ne sent complètement pris comme on pouvait être pris par les albums précédents. En tout cas une chose est sûre : ce n'est pas avec ces chansons que le groupe va renouer avec le succès. On sent que Bobby Hecksher a voulu faire ce qu'il aimait sans calculer l'impact auprès du public. On ne peut que saluer ce sens de l'intégrité. |
