Avec des mains de cow-boy, abîmées et sans bagues, Brisa Roché étale sur le bar un cahier Moleskine, un couteau suisse et un téléphone portable allongé dans un porte-monnaie argenté.
Vêtue de noir, seconde peau, ceinture de serpent-disco prenant sa taille, elle se lance dans son histoire, qui commence par sa naissance sous l'ombre d'un bateau à voile en chantier, plus grand que sa maison. Et voilà une petite « eskimo » que ses parents appellent d'abord « Baby Girl » sur l'acte de naissance avant de trouver son vrai nom « La Brisa Day Roché ». Jeune maman artiste, qui fait des heures de jogging dans les dunes du nord de la Californie, un petit pistolet caché dans son short. Improvisant des chansons comme une B.O. permanente du foyer. Papa, écrivain et professeur de littérature par intermittence. Très homme, très héros, à l'aise à la mer et à la montagne, en ville, sur la route et dans le danger. Grande ambiance baba-cool 1970. Une enfance passée à suivre parfois son père en « business trip » pas trop légal, dormant sur les plages des îles tropicales et se cachant des hélicoptères. Des séjours chez les chercheurs d'or et les habitants de tipis ; les Rolling Stones sortant du « ghetto blaster », tourne-disques crachant du blues des appartements des nombreuses villes. L'oreille de Brisa s'affirme au contact de ces musiques et des chansons folk entendues chez sa mère, et aussi grâce à ce qu'elle chante dans la chorale d'enfants avec laquelle elle part à 13 ans en Russie.
Trois ans plus tard, elle quitte tout pour vivre avec son père à Seattle en pleine époque grunge dont elle ne profitera pas car la mort de celui-ci lui ôte la légèreté de l'adolescence. Elle y puise tout de même l'inspiration pour ses compositions à la guitare et des textes évocateurs. Elle termine ses études comme fille au pair et chante dans The Amazing Dimestore, un groupe qui répète, après la fermeture, dans une salle de cinéma.
Ses 18 ans la trouvent fan de P.J.Harvey, Can et Joni Mitchell. Elle part à la découverte de Paris où elle forme un trio roots qui joue pour l'ouverture du Glazart, simple squat d'artistes à l'époque. Puis à Portland, l'idée d’un vrai groupe à elle l'obsède. Pendant ses études supérieures, elle passe des annonces, s'achète une guitare électrique et fait des voix dans « Bing Ra », un projet « emotion-rock » qui ne la comble pas. De retour dans le village de sa mère, déçue, elle vend sa guitare et se nourrit grâce à la sculpture. Mais, chaque soir en rentrant chez elle à vélo à travers les champs, elle se surprend à chanter des standards de jazz ! Curieuse et attirée par ce qui lui semble un monde hermétique, elle décide de s'y mettre.
Puis, l'amour arrive sous la forme d'un bassiste punk-rock venu du Nouveau-Mexique. Avant d'aller le retrouver là-bas, elle s'envole pour six mois d'aventure en solo au Maroc. De retour, sa quête de « moments jazz » dans une vie rock'n'roll reprend. Le paysage aride du Nouveau-Mexique lui dévoile la saison des « monsoon » et des cactus, un « Wild West » assez extrême…
La fin brutale de son histoire amoureuse la pousse vers la France où elle se plonge dans le jazz afin « d'à peine » – précise-t-elle – gagner sa vie. Sa voix, ses gestes démesurés, son image de « Ninja-reine » suscitent l'intérêt des médias. Cela fait boule de neige, prend force et, en 2005, elle signe chez Blue Note… |
